
Cet article est paru originalement dans la revue Nutrition – Automne 2024
L’hypertension artérielle (HTA), définie comme une pression artérielle (PA) supérieure à 140/90 mm Hg, est non seulement le précurseur de plusieurs maladies cardiovasculaires, mais également le principal facteur de risque de mortalité à l’échelle mondiale (1–3). En 2013, 22,6 % des adultes canadiens en étaient atteints, une augmentation de 3 % par rapport à 2008 (3). Les données les plus récentes confirment la progression de l’HTA au Canada qui est dès lors considérée comme un important problème de santé publique (4).
En 1997, le premier essai clinique d’envergure sur la diète DASH (Dietary Approach to Stop Hypertension)1 a démontré hors de tout doute l’effet bénéfique d’une saine alimenta- tion sur la PA (5). Cette étude a contribué à l’hypothèse vou- lant que la consommation de produits laitiers (PL) faibles en gras pourrait influencer favorablement la PA. En fait, les participants qui avaient consommé des PL faibles en gras dans le cadre de la diète DASH montraient une plus grande diminution de la PA que les participants ayant suivi une diète DASH sans PL2. Depuis, un grand nombre d’études tant épidémiologiques que cliniques se sont intéressées à la relation entre la consommation de PL et la PA (6-15).
L’objectif de cette revue parapluie (c.-à-d. une revue de méta-analyses) est de brosser un portrait d’ensemble des données épidémiologiques et cliniques sur la rela- tion entre la consommation totale de PL et la consomma- tion de lait, de fromage et de yogourt (évaluée isolément) et la PA ou le risque d’HTA. Nous concluons en discutant des implications de ces données dans la pratique des diététistes-nutritionnistes.
Méthodologie de la revue de littérature
Cette revue parapluie a été réalisée entre février et juin 2021 conformément aux directives PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses) (16). Les deux auteurs ont scruté indépendamment les bases de données PubMed et Embase en se servant d’une approche systématique pour recenser les méta-analyses d’études épidémiologiques prospectives et d’études cli- niques portant sur la relation entre la consommation de PL et le risque d’HTA ou l’effet de la consommation de PL sur la PA. Les études épidémiologiques prospectives informent sur le risque de développer l’HTA en fonction de la consom- mation de PL, et ce, à long terme (plusieurs années). Les études cliniques renseignent sur l’effet de la consomma- tion de PL sur la PA plusieurs jours ou semaines plus tard. Les informations fournies par ces deux types d’études sont complémentaires.
Afin de déterminer la portée de ces données dans la pra- tique des diététistes-nutritionnistes, nous avons évalué la qualité des données de chacune des méta-analyses à l’aide du score NutriGrade (17). Cet outil est validé et permet de calculer un score qui reflète la qualité des données probantes provenant de méta-analyses nutritionnelles (tableau 1). Un score NutriGrade ≥ 8 sur 10 correspond à des données probantes de « haute qualité » ; autrement dit, il y a un haut niveau de confiance à l’égard de l’estimation de la différence dans le risque d’HTA attribuable à la consomma- tion de PL ou de l’effet de la consommation de PL sur la PA. Il est donc peu probable que les futures études sur le sujet affectent ces estimations significativement. Un score entre 6 et 7,99 indique une qualité modérée, entre 4 et 5,99 une faible qualité et entre 0 et 4 une qualité très faible, ce qui signifie que le niveau de confiance à l’égard de l’association observée ou de l’effet de l’intervention est très faible.
- La diète DASH fait la part belle aux fruits et légumes, aux produits à grains entiers et aux produits laitiers (PL) faibles en gras.
- Changement moyen de la PA systolique (PAS) avec PL vs sans PL : -5,5 vs -2,8 mm Hg ; changement moyen de la PA diastolique (PAD) avec vs sans PL : -3,0 vs -1,1 mm Hg
TABLEAU 1 – Les neufs critères du score NutriGrade (18) pour l’évaluation de la qualité des données probantes des méta-analyses en nutrition1
Critères |
Méta-analyse d’études |
Méta-analyse d’études cliniques |
Qualité, limites des études incluses dans la méta-analyse, possibilité de biais |
0-2 points |
0-3 points |
Précision |
0-1 point |
0-1 point |
Hétérogénéité |
0-1 point |
0-1 point |
Représentation adéquate de la population testée comparative- ment à la population générale |
0-1 point |
0-1 point |
Biais de publication |
0-1 point |
0-1 point |
Biais de financement de la méta-analyse |
0-1 point |
0-1 point |
Plan des études |
Non applicable |
0-2 point |
Ampleur de l’effet |
0-2 point |
Non applicable |
Présence d’une relation dose-réponse |
0-1 point |
Non applicable |
1 Le score maximum possible est de 10 points.
Résultats — méta-analyses d’études épidémiologiques
La revue systématique de la littérature a permis de rele- ver et de sélectionner quatre méta analyses d’études épi- démiologiques prospectives (6, 7, 13, 15) et trois méta-analyses d’études cliniques (8, 9, 14). Les caractéristiques des quatre premières portant sur la relation entre la consommation de PL et le risque d’HTA sont présentées au tableau 2.
TABLEAU 2 – Description des méta-analyses d’études épidémiologiques prospectives ayant évalué l’association entre la consommation de produits laitiers et le risque d’hypertension artérielle (HTA)
Produits laitiers |
Auteurs |
Études prospectives incluses dans la méta-analyse |
Taille de l’échantillon (âge des participants) |
Nombre de cas d’HTA |
Années de suivi |
Type d’analyse |
RR moyen (IC : 95 %) |
Différence dans le RR (IC : 95 %) |
Type d’association |
Score NutriGrade |
Consom- mation totale de produits laitiers |
Ralston et al. 2012 (6) |
Alonso et al. 2005 |
44 869 (18-90) |
11 584 |
2-15 |
Consom- mation élevée vs faible |
0,87 (0,81, 0,94) |
-13 % (-6, -19 %) |
Association favorable |
Faible (4,25) |
Soedamah- Muthu et al. 2012 (7) |
Snijder et al. 2008 |
57 256 (25-65) |
15 367 |
2-15 |
Dose- réponse (pour 200 g/j) |
0,97 (0,95, 0,99) |
-3 % (-1, -5 %) |
Association favorable |
Faible (4,65) |
|
Schwing- shackl et al. 2017 (15) |
Alonso et al. 2005 Camoes et al. 2016 Engberink et al. 20091 Engberink et al. 20092 |
116 415 (20-74) |
31 509 |
2-15 |
Consom- mation élevée vs faible |
0,89 (0,86, 0,93) |
-11 % (-7, -14 %) |
Association favorable |
Faible (5,05) |
|
Dose- réponse (pour 200 g/j) |
0,95 (0,94, 0,97) |
-5 % (-3, -6 %) |
Association favorable |
|||||||
Heidari et al. 2021 (13) |
Pereira et al. 20002 |
351 932 (18-80) |
~120 258 |
3-24,5 |
Consom- mation élevée vs faible |
0,90 (0,87, 0,94) |
-10 % (-4, -13 %) |
Association favorable |
Modéré (7,80) |
|
Lait |
Soedamah- Muthu et al. 2012 (7) |
Snijder et al. 2008 Steffen et al. 2005 Engberink et al. 20092 |
47 647 (25-65) |
14 398 |
5-15 |
Dose- réponse (pour 200 g/j) |
0,96 (0,94, 0,98) |
-4 % (-2, -6 %) |
Association favorable |
Faible (4,65) |
Heidari et al. 2021 (13) |
Pereira et al. 2002 Wang et al. 2008 Engberink et al. 20092 |
337 045 (18-74) |
~116 934 |
3-24,5 |
Consom- mation élevée vs faible |
0,94 (0,90, 0,99) |
-6 % (-1, -10 %) |
Association favorable |
Modéré (7,80) |
|
Fromage |
Ralston et al. 2012 (6) |
Steffen et al. 2005 Engberink et al. 20091 Engberink et al. 20092 |
38 889 (18-NM) |
10 739 |
5-15 |
Consom- mation élevée vs faible |
1,00 (0,89, 1,12) |
Aucune différence |
Association non significative |
Faible (4,25) |
Soedamah- Muthu et al. 2012 (7) |
Snijder et al. 2008 Steffen et al. 2005 Engberink et al. 20091 |
51 007 (25-65) |
15 066 |
5-15 |
Dose- réponse (pour 30 g/j) |
1,00 (0,98, 1,03) |
Aucune différence |
Association non significative |
Faible (4,65) |
|
Heidari et al. 2021 (13) |
Pereira et al. 2002 Wang et al. 2008 Engberink et al. 20092 |
292 681 (18-69) |
~102 838 |
3-24,5 |
Consom- mation élevée vs faible |
0,97 (0,92, 1,01) |
Aucune différence |
Association non significative |
Faible (5,90) |
|
Yogourt |
Soedamah- Muthu et al. 2012 (7) |
Snijder et al. 2008 Steffen et al. 2005 Engberink et al. 20091 Wang et al. 2008 Alonso et al. 2009 |
45 088 (25-65) |
12 959 |
5-15 |
Dose- réponse (pour 50 g/j) |
0,99 (0,96, 1,01) |
Aucune différence |
Association non significative |
Faible (4,65) |
Heidari et al. 2021 (13) |
Pereira et al. 2002 Wang et al. 2008 Wang et al. 2015 Mirmiran et al. 2016 Buendia et al. 2018 Beydoun et al. 2018 Villaverde et al. 2020 |
261 545 (18-60) |
~102 125 |
3-24,5 |
Consom- mation élevée vs faible |
0,95 (0,90, 1,01) |
Aucune différence |
Association non significative |
Faible (5,90) |
NM : non mentionné
Évaluation de la qualité des données probantes selon la valeur du score NutriGRADE : 0-3,99 = très faible — 4-5,99 = faible — 6-7,99 = modérée — ≥ 8 = élevée
Consommation totale de produits laitiers
La relation entre la consommation totale de PL et le risque d’HTA a été mesurée dans les quatre méta-analyses présen- tées au tableau 2. Ces études tirent la même conclusion : la consommation totale de PL est inversement associée au risque de développer l’HTA. Le risque d’HTA était de 10 à 13 % plus faible chez les plus grands consommateurs de PL comparativement aux personnes en consommant peu ou pas (figure 1, panel A). Dans les analyses de type dose réponse, une consommation de 200 g de PL par jour était associée à un risque d’HTA 3 à 5 % plus faible (figure 1, panel B). La première méta-analyse sur la relation entre la consommation totale de produits laitiers et le risque d’hy- pertension, publiée en 2012, regroupait cinq études (44869 participants ; 11584 cas d’HTA; suivi pendant 2 à 15 ans) (6). La plus récente, publiée en 2021, rassemblait les données de 15 études (351 932 participants ; au moins 120 258 cas d’HTA ; suivi pendant 3 à 24,5 ans) (13). Les résultats de la première méta-analyse sur le sujet concordent avec ceux de la plus récente, quoique cette dernière comporte trois fois plus d’études, qu’elle inclut huit fois plus de sujets, dix fois plus de cas d’HTA et que le suivi dure jusqu’à dix ans de plus. D’ailleurs, la qualité des données a aussi progressé, passant de « faible » pour les trois premières méta analyses à « modérée » dans la plus récente (tableau 2).
Lait
Les données sur la relation entre la consommation de lait et le risque d’HTA ont été examinées en 2012 dans une méta-analyse par Soedamah-Muthu et coll. (7) (7 études ; 47 647 participants ; 14 398 cas ; suivi de 5 à 15 ans) ainsi qu’en 2021 par Heidari et coll. (13) (11 études; 337 045 participants ; 116 934 cas ; suivi de 3 à 24,5 ans) (tableau 2). La première méta-analyse a rapporté un risque d’HTA 4 % plus faible (intervalle de confiance ou IC à 95 % : -2 à -6 %) avec une consommation de 200 g (environ ¾ de tasse) de lait par jour (figure 1, panel B). La deuxième méta-analyse obtient une conclusion similaire en comparant les grands consommateurs de lait aux personnes en buvant peu ou pas. Un risque d’HTA 6 % plus faible (IC 95 % : -1 à -10 %) a été observé chez les plus grands consommateurs (figure 1, panel B). La qualité des données sur l’association entre la consommation de lait et le risque d’HTA a progressé au fil des années; les données publiées en 2012 étaient de qualité « faible » et celles publiées en 2021 de qualité « modérée ».
Fromage
Publiées entre 2012 et 2021, trois méta-analyses (6, 7, 13) ont évalué la relation entre la consommation de fromage et le risque d’HTA (tableau 2). Elles regroupaient entre 4 et 9 études, comptaient 38 889 à 292 681 participants, 10 739 à 102 838 cas d’HTA et des suivis entre 3 et 24,5 ans. Aucune différence n’a été notée entre les personnes consommant le plus de fromage et celles en consommant peu ou pas en ce qui a trait au risque d’HTA (figure 1). Toutefois, la qualité des données pour ces méta-analyses est « faible ».
Yogourt
Deux méta-analyses ont évalué la relation entre la consom- mation de yogourt et le risque d’HTA (tableau 2), soit celle de Soedamah-Muthu et coll. (7) publiée en 2012 (5 études ; 45088 participants ; 12 959 cas ; suivi de 5 à 15 ans) et celle de Heidari et coll. (13) publiée en 2021 (7 études ; 261 545 participants ; 102 125 cas ; suivi de 3 à 24,5 ans). Aucune association n’a été observée entre la consommation de yogourt et le risque d’HTA (figure 1). Comme pour le fro- mage, les données sont de qualité « faible ».

FIGURE 1 – Graphique en forêt des risques relatifs moyens rapportés dans les méta-analyses d’études épidémiologiques prospectives sur l’association entre la consommation de produits laitiers et le risque d’hypertension artérielle
Chaque symbole représente le risque relatif moyen d’une méta-analyse accompagné d’un intervalle de confiance (IC) à 95 % selon les catégories de produits laitiers. Les résultats significatifs sont représentés en vert.
Méta-analyses d’études cliniques
Les caractéristiques des trois méta-analyses d’études cli- niques sur l’effet de la consommation totale de produits lai- tiers sur la PA (8, 9, 14) sont présentées au tableau 3. Elles n’ont pas mesuré l’effet propre à chaque type de produit laitier. Ces méta-analyses ont regroupé les données de 7 à 8 études d’une durée de 4 à 52 semaines menées auprès de 667 à 735 personnes avec ou sans syndrome métabolique.
Bien qu’elles soient basées sur un nombre croissant d’études et qu’elles aient été publiées en l’espace de six ans, ces trois méta-analyses sont parvenues à la même conclu- sion : la consommation de produits laitiers n’a pas d’effet à court terme sur la PA (figure 2). Ces données cliniques sont cependant de « faible », voire de « très faible » qualité.

FIGURE 2 – Graphique en forêt des changements de la pression artérielle à la suite de la consommation de produits laitiers rapportés dans les méta-analyses d’études cliniques
Panel A : pression artérielle systolique
Panel B : pression artérielle diastolique
Chaque symbole représente le changement de la pression artérielle (mm Hg) de pair avec l’intervalle de confiance (IC) à 95 %.
TABLEAU 3 – Description des méta-analyses d’études cliniques ayant évalué l’effet de la consommation de produits laitiers sur la pression artérielle (PA)
Produits laitiers |
Auteurs |
Études cliniques incluses dans la méta-analyse |
Population |
Taille de l’échantillon (âge des participants) |
Semaines d’inter- vention |
Type d’analyse |
Changement dans la PA (IC : 95 %) |
Effet sur la PA |
Score NutriGrade |
Consom- mation totale de produits laitiers |
Benatar et al. 2013 (8) |
Van Meijl & Mensink 2011 Crichton et al. 2012 Barr et al. 2000 Alonso et al. 2009 Stancliff et al. 2011 |
En bonne santé ou avec un syndrome métabolique |
711 (18-72) |
7-26 |
Consommation élevée vs faible ou nulle |
PAS : -0,41 (-1,63, 0,81) PAD : -0,45 (-1,70, 0,80) |
Pas d’effet significatif |
Faible (5,90) |
Ding et al. 2017 (9) |
Barr et al. 2000 |
En bonne santé ou avec un syndrome métabolique |
735 (18-75) |
4-52 |
Consommation élevée vs faible ou nulle |
PAS : -0,21 (-0,98, 0,57) |
Pas d’effet significatif |
Très faible (2,90) |
|
Fontecha et al. 2019 (14) |
Rideout et al. 2013 |
En bonne santé ou avec un syndrome métabolique |
667 (18-75) |
4-52 |
Consommation élevée vs faible ou nulle |
PAS : -0,77 (-1,81, 0,27) PAD : -0,41 (-1,73, 0,91) |
Pas d’effet significatif |
Faible (5,50) |
PAS : pression artérielle systolique
PAD : pression artérielle diastolique
Évaluation de la qualité des données probantes selon la valeur du score NutriGRADE : 0-3,99 = très faible — 4-5,99 = faible — 6-7,99 = modérée — ≥ 8 = élevée
Implications pour la pratique des diététistes-nutritionnistes
Cette revue parapluie montre que la consommation totale de PL, celle de lait en particulier, sont toutes deux associées à un risque plus faible de développer l’HTA. Toutefois, la consommation de fromage ou de yogourt ne semble pas associée au risque d’HTA. Comme le lait est le produit laitier le plus consommé, il se pourrait que l’association inverse entre le risque d’HTA et la consommation totale de PL s’explique par la relation entre la consommation de lait et le risque d’HTA. D’un point de vue clinique toutefois, la consommation de PL n’a pas d’effet sur la PA.
À première vue, le fait que les études cliniques ne rapportent aucun effet hypotenseur significatif de la consommation de PL sur la PA semble contredire les données épidémiologiques montrant une association inverse entre la consommation totale de PL et le risque d’HTA. Cette contradiction apparente peut s’expliquer par la courte durée des études. Parmi les études cliniques incluses dans les méta-analyses, celle dont l’intervention était la plus longue s’échelonnait sur un an seulement (18). Parmi les études épidémiologiques incluses dans la méta-analyse, la plus courte a duré deux ans (19) et la plus longue, près de 24,5 ans (20). Il n’est pas nécessaire d’abaisser la PA pour prévenir l’apparition de l’HTA. L’on peut donc réconcilier les observations cliniques et épidémiologiques en suggérant que la consommation de PL, faute d’abaisser la PA, pourrait la stabiliser et prévenir son augmentation. Il a été avancé que les composés bioactifs des produits laitiers, dont les peptides, le calcium, le magnésium et le potassium, auraient des effets bénéfiques sur la PA (21).
Dans les études épidémiologiques, il faut savoir que certains facteurs confondants peuvent influencer les résultats. À cet égard, il est bien documenté que les grands consommateurs de PL ont tendance à avoir un mode de vie plus sain que les personnes qui en consomment peu ou pas (22, 23). Les consommateurs de PL, et plus particulièrement de PL écrémés ou de yogourt, ont tendance à être plus actifs physique- ment et fument moins, des comportements qui diminuent leur risque d’HTA (22, 23). Bien que ces facteurs soient pour la plupart contrôlés statistiquement dans les études, nous ne pouvons pas exclure la présence d’un effet résiduel pouvant biaiser les observations épidémiologiques. Cela explique- rait pourquoi la consommation de fromage, un PL avec un contenu généralement élevé en sodium, n’est pas associée à un risque plus élevé d’HTA. Nonobstant ces facteurs, la qualité des données générées par la méta-analyse d’études prospectives de Heidari et coll. (13) publiée en 2021 sur la consommation totale de PL est considérée comme « modérée ». Ainsi, la possibilité que les futures études sur la relation entre la consommation de PL et le risque d’HTA puissent contredire l’association inverse observée de façon répétée dans la dernière décennie demeure faible.
Les effets potentiellement néfastes des matières grasses des PL (principalement des gras saturés) sur la santé cardiométabolique et cardiovasculaire sont un sujet encore largement débattu dans la communauté scientifique que nous n’avons pas abordé dans cet article (24-26). Toutefois, il est intéressant de constater que la consommation de lait, un PL faible en gras (0 à 3,5 % de M. G.) est associé à un risque plus faible d’HTA, ce qui n’est pas le cas pour le fromage, un PL riche en gras (> 18 % de M. G.). Cette association appuie l’hypothèse selon laquelle la consommation de PL faibles en gras, recom- mandée par le Guide alimentaire canadien, est bénéfique. L’association neutre pour le yogourt semble contredire cette observation. Par contre, d’un point de vue épidémiologique, cela peut s’expliquer par le fait que la consommation de yogourt est beaucoup plus faible que celle de lait ou de fro- mage, ce qui limite la puissance statistique des études sur le sujet (27-28).
En conclusion, les données probantes des méta-analyses épidémiologiques montrent une association inverse entre la consommation totale de PL et de lait et le risque d’HTA. Le nombre croissant d’études sur la consommation totale de PL durant la dernière décennie a amélioré la qualité de ces don- nées et, par le fait même, la confiance en ces observations. En somme, les données probantes montrent que la consommation de PL, plus particulièrement de lait, est associée à un risque plus faible de développer l’HTA.
À propos des auteures

Jean-Philippe Drouin- Chartier, Dt.P. Ph. D.
Professeur adjoint, Faculté de pharmacie, Chercheur, Centre
Nutrition, Santé et Société (NUTRISS) de l’Institut sur la Nutrition et
les Aliments Fonctionnels (INAF), Université Laval

Justine Daoust, B. Sc. Inf.
Étudiante à la maîtrise en nutrition, École de nutrition, Centre de recherche de l’institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (CRIUCPQ), Université Laval
Remerciements
Chantal Blais, Dt.P., IRCM
Audrey Coulombe, Dt.P., CIUSSSCN Louise Gagnon, Dt.P., IUCPQ
Julie St-Jean, Dt.P., ÉAD, Diabète Québec Nathalie Verret, Dt.P., IUCPQ
Observatoire de la qualité de l’offre alimentaire: Véronique Provencher, Dt.P., Ph. D., Sonia Pomerleau, Dt.P., M. Sc., Pierre Gagnon, B. Sc., Ann-Sophie Boucher, auxiliaire de recherche en nutrition
Références
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